Je vois souvent passer sur des groupes de discussion la question suivante:
« La voile m’intéresse. Je veux apprendre mais je commence où? »
La réponse facile: ça dépend de tes objectifs.
Est-ce que tu veux être un équipier ou le chef de bord? Est-ce que tu veux simplement participer aux manœuvres (l’équipier) ou est-ce que tu veux en être le capitaine (le chef de bord)?
Quelle est la différence? Le principe de base à retenir:
Le chef de bord (i.e. le capitaine) est responsable de la sécurité des passagers et du bateau.
Si c’est ton voilier, j’imagine que tu en seras le capitaine. Si tu veux en louer un, et bien, tu devras en être le chef de bord. Sinon, autant l’équipier que le chef de bord doivent maîtriser les manœuvres et être en mesure de mener la barque.
Il faut comprendre qu’au Canada, la seule obligation légale est de posséder une Carte de Conducteur d’Embarcation de Plaisance (CCEP) pour pouvoir conduire une embarcation à moteur (il y en a d’autres mais gardons ça simple pour l’instant).
« Oui mais un voilier, ça n’a pas de moteur. »
Si c’est un petit dériveur, c’est vrai. Si c’est un voilier de croisière comme un quillard, il y a un moteur, qu’il soit hors-bord ou interne. Donc, ça prend au minimum la CCEP. La CCEP est assez facile à obtenir. Des écoles de voile, les Escadrilles canadiennes et autres sites Web offrent des formations en-ligne ou en présentiel pour environ $35. Le cours de CCEP donne la base de sécurité nécessaire pour conduire un bateau avec un moteur: équipements de sécurité selon la taille de l’embarcation, aides à la navigation (les bouées vertes et rouges), etc.
Une fois qu’on a la CCEP, on revient au principe de base: le chef de bord est responsable de la sécurité des passagers et du bateau.
Si tu possèdes ton propre voilier, et tu te sens en confiance d’assurer la sécurité de ton monde et de ton bateau, alors go, vas-y et pars en mer. Pas besoin de plus, légalement.
Si tu veux emprunter ou louer un voilier, fort possible que le locateur va te demander un peu plus que la CCEP afin de s’assurer que tu vas être capable de ramener le voilier en bon état avec tout ton monde à bord sain et sauf. Ou si c’est ton voilier et que tu as une petite gêne avec tes compétences, alors il y a toute une série de brevets établis par Voile Canada à aller chercher et qu’on peut obtenir en suivant des stages pratiques et théoriques offerts par des écoles homologuées par la Fédération de Voile du Québec pour accorder les brevet en question.
Le site web de Voile Canada explique tous les brevets disponibles. Il y en a beaucoup et pour tous les objectifs (marins, instructeurs, juges de régates, etc.)
Le brevet de croisière élémentaire
Le premier brevet à obtenir est le Brevet de voile croisière élémentaire qu’on peut soit obtenir en tant que « Chef de bord » ou « Équipier ». Stage pratique de 28 heures (4 jours de voile) et un examen théorique à écrire. On y apprend la base de la voile: les différents éléments du voilier, les allures (i.e. d’où vient le vent), les manoeuvres, les noeuds, etc. La distinction entre « Chef de bord » et « Équipier » tient principalement, poour le chef de bord, dans la capacité d’exécuter la manoeuvre de récupération d’homme à la mer à la voile et l’accent est mis sur le principe de base: le chef de bord est responsable de la sécurité du bateau et de ses passagers. Le brevet de croisière élémentaire permet à son détenteur de naviguer en toute sécurité sur un quillard de 6 à 10 mètres gréé en sloop, muni d’un moteur intérieur ou hors bord, en eaux familières de jour, par vent et mer modérés.
Avec le brevet de croisière élémentaire en poche, tu peux facilement faire de la voile de jour sur un plan d’eau qui t’es familier comme un lac. Par « familier », on entend un plan d’eau où tu peux t’orienter facilement juste en regardant la côte ou le rivage. C’est bien assez stressant les premières fois qu’on n’a pas besoin de se casser la tête avec des notions de navigation. Garde ça simple et concentre-toi sur les manœuvres.
Si tu possèdes ton voilier, tu n’as pas besoin de demander la permission à personne pour faire une sortie. Si tu n’as pas ton voilier et que tu veux en louer un, le brevet élémentaire te donne, ou plutôt donne au locateur, une preuve de compétence que tu sais ce que tu fais. Plusieurs écoles de voile ont des petits voiliers disponibles pour la location à la journée pour permettre aux nouveaux, et moins nouveaux, chefs de bord de pratiquer leur acquis. Je l’ai fait plusieurs fois moi-même lorsque je n’étais pas propriétaire d’un voilier.
Il y a aussi des communautés, comme Voile Communautaire sur Facebook, qui permet à des propriétaires de voiliers d’inviter des équipiers enthousiastes à venir faire de la voile avec eux.
La pratique l’été. La théorie l’hiver.
Nos étés sont courts. La saison de voile va de fin mai à fin septembre. A moins de vouloir aller dans les Antilles pour apprendre, il va sans dire qu’on fait les stages pratiques durant la belle saison. Et comme personne n’a vraiment envie de s’enfermer dans une salle de classe ou dans son sous-sol l’été, on garde les cours théoriques pour la saison morte. De toutes façons, les écoles de voile sont trop occupées l’été à faire des stages pratiques pour offrir des cours théoriques.
Donc l’hiver, disons d’octobre à avril, est le moment propice pour acquérir deux brevets qui sont des pré-requis pour le niveau suivant de compétence pratique, soit le brevet de croisière intermédiaire que je décris en détails plus loin. Ces deux brevets sont autant pour l’équipier que pour le chef de bord.
Le premier brevet, ou plutôt une certification, est le Certificat d’opérateur radio (maritime) ou CROM avec l’endossement ASN (Appel Sélectif Numérique). On l’appelle communément le « brevet de radio VHF ». Il s’agit d’un cours théorique qui se fait en un ou deux jours incluant l’examen. L’objectif est de maîtriser la communication avec une radio VHF. C’est une exigence légale de posséder le CROM pour pouvoir utiliser une radio VHF. Le côté pratique du cours montre comment faire un appel sur la fréquence radio sur laquelle tout le monde est sensé écouter, soit la voie 16, comment et quand faire un appel de détresse (le fameux MAYDAY), l’alphabet phonétique international (Alpha, Bravo, Charlie, …), etc. L’endossement ASN fait partie du cours et je ne pense pas que tu puisses faire un cours sans l’ASN. L’ASN est une fonction de la plupart des radios qui permet de faire un appel numérique prédéfini plutôt que de le faire par la voix. En pratique, on appuie sur un bouton pour faire un MAYDAY et autres appels prédéterminés.
Le cours de radio VHF est offert par plusieurs écoles et par les Escadrilles de plaisance du Canada (ECP) à qui le gouvernement fédéral a confié le mandat de gérer cette formation. Ce sont les ECP qui homologuent les écoles et qui émettent les CROM.
Le deuxième brevet est le brevet de navigation élémentaire. Bien qu’on survole les notions de navigation comme les aides à la navigation (ie les bouées) et la lecture des cartes marines dans le cours de croisière élémentaire et dans le cours de CCEP, le brevet de navigation élémentaire va beaucoup plus loin dans les notions de planification de routes, de savoir comment se repérer et se positionner sur une carte marine, bref de savoir où on est et où on s’en va tout en tenant compte des marées et des courants. Quand on navigue sur le fleuve entre Québec et Tadoussac, ces notions deviennent primordiales car ce plan d’eau, avec ses marées et ses courants, est l’un des plus difficiles à naviguer. Tu pourrais bien te demander à quoi ça sert aujourd’hui quand on a des GPS avec des lecteurs de cartes. Mais tout gadget électronique court le risque de flancher au mauvais moment et savoir comment faire manuellement, c’est un sacré bon plan B.
Le brevet de navigation élémentaire est défini par Voile Canada et est offert par plusieurs écoles de voiles homologuées par la Fédération de Voile du Québec.
Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas profiter de l’hiver pour faire une formation en secourisme. Ce n’est pas un pré-requis obligatoire mais recommandé. Une formation en secourisme avec réanimation cardio-respiratoire (RCR) et sur l’utilisation du défibrillateur automatisé externe (DEA) est toujours pratique, même sur terre. Plusieurs écoles et organismes offrent ce cours. Juste à faire une recherche sur Internet pour RCR-DEA.
Avec le CROM, le brevet de navigation élémentaire, et, optionellement, le cours de secourisme, tu as les pré-requis pour le prochain brevet pratique, soit le brevet de croisière intermédiaire.
Le brevet de croisière intermédiaire
Le brevet de croisière intermédiaire vise d’abord la maitrise de la vie à bord d’un voilier. Il s’agit typiquement d’un stage embarqué d’une semaine où tu apprends à prendre en charge un voilier pour un voyage de plusieurs jours. L’objectif est d’avoir les habiletés requises pour louer un voilier sans capitaine (aussi appelé location « bareboat ») pour plus d’une journée ou si tu as ton voilier, de partir en croisière pour aussi longtemps que tu le désires. Stage embarqué veut aussi dire que tu pars pour une semaine de stage avec d’autres stagiaires. C’est une belle expérience où on y fait de belles rencontres.
Le brevet peut être obtenu en tant que chef de bord ou en tant qu’équipier. Mais honnêtement, si tu t’es rendu là, c’est fort probablement pour être le chef de bord. Je me suis toujours demandé pourquoi faire un brevet comme équipier alors que c’est presque le même effort pour le faire en tant que chef de bord.
On y couvre les notions de planification de la croisière, de l’eau et la nourriture, de météo, de planification de route, des systèmes du voilier (mécanique, électricité, cuisine, toilette), etc. Tu y revalides les notions de manœuvres apprises dans le brevet élémentaire. Tu mets en pratique les notions de navigation élémentaire apprises durant ton brevet de navigation de l’hiver précédent.
Le brevet de croisière intermédiaire permet à son détenteur de naviguer sur un voilier de 9 à 12 mètres de jour, dans des vents modérés en eaux côtières ou intérieures. À moins de vouloir partir en haute mer, ça couvre pas mal toutes les situations. Surtout, le brevet de croisière élémentaire de Voile Canada est reconnu par la plupart des agences de location de voilier (bien que réalistement, la reconnaissance de ta carte de crédit est probablement plus importante encore…), sauf en Méditerranée où, apparemment, on ne reconnait pas le brevet de Voile Canada mais le « International Certificate of Competency (ICC) » émis par les écoles homologuées par l’International Yacht Training (IYT) Association. Ne sois sans crainte, on peut obtenir l’ICC auprès de certaines écoles au Québec en passant un examen pratique et théorique. On me dit qu’en Méditerranée, la meilleure preuve de compétence reste encore la carte de crédit…
Et après?
Après ça, ça dépend vraiment de tes ambitions.
Il y a le brevet de croisière avancée (faire des quarts de nuit en autres), de croisière hauturière (si tu veux ne pas voir la terre pendant quelques semaines au beau milieu de l’océan), navigation intermédiaire, navigation astronomique, météorologie marine, survie en mer sans compter tous les autres cours pratico-pratiques comme la mécanique diesel, l’électricité, etc.
Mais rendu là, tu n’as pas plus vraiment besoin de te faire guider…
Mon parcours à moi.
J’ai basé cet article sur mon propre parcours de formation.
Ç’a commencé en 2011 par une sortie d’initiation dans le fjord avec Mercator. Juste une petite sortie de quelques heures au coucher du soleil. Il n’en fallait pas plus pour avoir la piqûre. J’ai fait mon CCEP peu de temps après et rêver pendant quelques années avant de vraiment débuter la formation de la voile.
J’ai fait mon brevet élémentaire à l’été 2018 avec Pierre Ricard de l’école Voile 4 Vents sur le lac St-Louis. Durant l’hiver 2018-2019, j’ai fait le CROM avec Pierre Harel de l’école Paré à Virer et le brevet de navigation élémentaire avec Formation Nautique Québec (cours virtuel à distance). J’en ai profité pour faire une formation en secourisme.
Durant l’été 2019, j’ai ensuite fait le brevet intermédiaire avec l’école Les Blanchons à Rimouski. Puis à l’hiver 2020, j’ai fait le brevet de navigation intermédiaire avec Formation Nautique Québec et une formation en météorologie marine par pur intérêt avec l’École de navigation de la Société de Sauvetage (avec Benoit Villeneuve, la référence en météo marine au Québec).
Quelle est la suite pour moi?
J’acheté un petit quillard de 27 pieds au Lac Champlain en 2022 où je fais des sorties de un à deux jours. Et oui, c’est moi le capitaine!
Je songe, et ma blonde y songe encore plus que moi, déjà au prochain voilier qui sera plus gros, qui nous permettra d’envisager de se rendre dans le Sud ou de faire le tour du monde et de démarrer une chaîne YouTube comme tout le monde…
Bon vent!
Mise à jour: mars 2024
Bonjour Éric !
Je n’aurais pas pu écrire plus juste !
Bravo.
Merci de promouvoir la formation comme tu le fais.
Bons vents à toi.
Adelin t’attend pour les dernières sortie de la saison 😉
Merci pour ce texte. J’ai mon projet de pré retraite qui est de faire de la voile. Je me prépare mais ne sais pas par où commencer. Votre texte tombe à point. Cet hiver(qui va être long) me permettra de lire des bouquins, regarder des vidéos et des offres de vente de voiliers. Au printemps, c’est le cours élémentaire et l’achat de mon voilier. L’idée est de le payer pendant que j’ai un bon revenu.
Merci encore et au plaisir de se rencontrer qui sait..
Bonjour Eric
Très bonne explication et avec beaucoup de clarté
Merci
Merci Éric, pour le temps que tu a donné pour toutes cette source d’information. J’ai toujours été attiré par les grand espace <> mais depuis quelques temps le bleue marin m’attire.
Je vais donc chercher, par nous trouver une belle initiation pour ma blonde et moi. Pour voir si le bleue nous vas <> bon vent à toi et merci encore.
Superbe texte cela peut aider à s y retrouver, je vais assurément le partager à mes membres! Proposition pour les gens sans voilier il y a aussi la possibilité de faire partie de Voile Communautaire qui met en relation les propriétaires de voiliers désirent des équipiers compétents et les équipiers qui ont le brevet croisière élémentaire ou expérience équivalente qui ne possèdent pas de voilier.
Effectivement.
J’avais écrit ce billet avant que tu ne crées Voile Communautaire.
Et avant que j’achète mon voilier.
Ça date un peu.